lundi 31 mars 2014

A Villa Doria Pamphilj

" Il fallait tout saisir au vol, des paquets de phrases entortillées... avec des nœuds... des guirlandes et des retours... des brides qui n'en finissaient plus... "
Louis-Ferdinand Céline, Mort à Crédit

Dans les havres récits et les mots condamnés
L'orfraie voit ses cris y résonner sans écho
Ah ! Ah ! L'entends-tu en en réclamant l'écot
Et nous dormeurs du val nous y allions flâner

Nous marchions ici et là villas et jungle
Marches arcs triomphants pâquerettes vallées
Au dimanche chantant chaque mont s'affalait
Nous n'y voyions qu'en sillons les anciens cingles

Les duos enchantés les ballons de nuage
Se révélaient au bleu et à tous les jeux d'ombres
Le soleil dénudait les branches les décombres
Et dessinait dans l'herbe un rêve de voyage

Nous avons vu le jour à la forme d'athlète
Et les ombrages clairs s'étendre et se foncer
Les murs blancs des maisons se voyaient enfoncés
De l'obscur avide des arbres des goulettes

Le soleil élancé avait pris son élan
Nous évoquions heureux les jeux les frères loin
Nous riions d'un enfant d'un instant d'un milouin
Et nous éloignions alanguis d'un pas lent

 (Crédits photos : Gaëlle Bertrand)

samedi 29 mars 2014

Au Luco

Aux soupçons qu'on se fait en brillant dans la vitre
A ce que l'on apprend sur un morceau d'immeuble
A nos baskets salis dans le Luxembourg meuble
Aux nuages cléments qui suspendent leurs litres

Rires peurs sapajous
Vous me faites Paris bijou


A Luna manifeste aux heures de tourment
Aux petits rabougris qui traversent sans rires
Les lingeries du temps que tendent les soupirs
Aux plaquettes de plomb qui font les ciels déments


Rires peurs sapajous
Vous me faites Paris bijou

Aux vestiges lueurs s'écarquillant de blanc
Aux cieux écrasés qui se drapent de deuil
Catafalque en nuage érigé d'un coup d’œil
Aux lampes tout de même à leur éclat tremblant

Rires peurs sapajous
Vous me faites Paris bijou

Aux doutes endormis aux amours en renaître
A l'éternel sourire au-dessus de tes larmes
A ce que tu portais mon vieux cadeau ton charme
A ceux qui t'y voyaient rabouins soleil et hêtres

Rires peurs sapajous
Vous me faites Paris bijou

A cette joue ancienne usée calmée gironde
Aux deux lampes d'huile qui brûleraient tes cils
Aux perles alertes qui par à coup oscillent
Qui fronçaient et tremblaient dedans leurs nacres rondes

Rires peurs sapajous
Vous me faites Paris bijou

Aux romans parfumés des fumeries passées
Aux ponts dont les orteils pataugent dans la Seine
A tous nos souvenirs des coups que l'on s'assène
Et à mon vœu d'étendre oh ce que j'ai froissé

Rires peurs sapajous
Vous me faites Paris bijou

(Crédits photos : André Zucca, Paris, 1942)

vendredi 28 mars 2014

Samson François

Samson et tes cheveux et tes deux mains fantasques
Y puisais-tu ta force et cueillais ton courage
Vois-tu dans les jeux clairs Madhousvâra enrage
Tu brises le silence en deux mains une frasque

Ravel et Debussy et les nuits de Chopin
Ton tabouret en l'air tu les faisais s'asseoir
Et certains accouraient pour croiser chaque soir
La comtesse Platen Frédéric sous les pins

Toi dans toute nocturne et dans toute mazurque
Tu rencontrais plutôt Boleslas le Vaillant
Copernic chevauchant l'univers tournoyant

Tu riais à la barbe étriquée du Grand Turc
Sous tes doigts chaque note était une caresse
Une colère un souffle un sot une princesse


mardi 25 mars 2014

Les Poètes II

Laissez donc naître et croître en vos larges empires
Hommes sans grands espoirs les poètes tranquilles
Ils naissent au soleil d'autres attendent qu'ils
Sèchent à d'autres vents - Mamnon - que le zéphyr

Mais eux calmes et cois n'ont pas de Panthéon
Ni aux cieux ni ici ni en quelques enfers
Rien n'est gravé au marbre ils nous disent Qu'en faire
Puisqu'Antigone nous brûlons et vous Créon

Qui abattez les murs de nos demeures vives
N'ayant plus que des mots en nos coffres de bois
Nous avons entendu vos rires aux abois
A chercher un trésor le feu qui nous ravive

A la chaleur poète où vous vous enrhumez
Pauvres bêtes sottes lorsqu'un de nos prodiges
S'y meut il fond de joie bouge d'autres s'y figent
Alors que les odeurs sont des mêmes fumées

lundi 24 mars 2014

Un silice en pétales

" Je suis né en mai. C'est moi le printemps. "
Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit


Chut ! le printemps cette nuit s'est couché chez moi
Il souffle en s'endormant et il parle en dormant
Je l'ai croisé hier lui galant et charmant
Il offrait ses fleurs quand les pétales émois

Là sur la chaussée un garçon pleurait du gris
Perlait jusqu'aux genoux le printemps le couvrit
De ses soleils versés sur ce qu'il découvrit
De sourire de joie de sa face amaigrie

Le printemps galant homme en était en allé
Auprès d'un cerisier je lui prenais la manche
S'il n'était libre là un déjeuner dimanche

Aux cigales d'orchestre ou aux embruns salés
Point de sud ou nord ouest ouvrez votre maison
Depuis j'habite avec la plus belle saison

jeudi 20 mars 2014

Au champ de Séléné

Dans la rue qui s'écoute éructer en silence
Des autobus lointains font leurs assauts bravaches
Haro sur le silence et cent coups de cravaches
D'un moteur quelques roues et d'un bruit ils s'élancent

Nulle ombre ne passait et nulle âme non plus
Un oiseau tut son chant lorsque je le sifflai
Croyait-il à mes do comme un carreau ciblé
Pourquoi arrêtait-il son air qui m'avait plu

La lune dépassait ses rêves de nuage
Et de l'épais manteau elle aimait déborder
Elle rebondissait des filaments sourdait

Du plâtre arrondie d'un compas Lune-moulage
Je n'aimais rien moins que cela attendre au soir
Voir les cratères comme oh cent mille ostensoirs

Où songeant au milieu aux hommes arrimés
Je les verrais le jour briller et puis s'asseoir
Boire trop et rire oui mais s'endormir jamais

mardi 11 mars 2014

La Lune abasourdie

Marie-toi un matin pour un crouton de lune
Certes la dot est maigre et que t'importe au fait
Puisque Séléné et Sol seront à la fête
L'autre brillant pour que scintille à plus tard l'une

J'ai vu que le soleil vit au rez-de-chaussée
Demande-lui d'un jour te demander ta main
Avant qu'ainsi l'amour il aille au lendemain
Aimer les ciels gris aux nuages cabossés

Courtois dans sa lumière il est l'astre aveuglant
Ne lui donnant la main que lorsque l'amour brûle
Tu feras les noces le bleu du ciel en tulle
Qui dort au soleil ne peut se vêtir de blanc

Puis tu découperas dans tes doux souvenirs
Un morceau satellite et le lui tendant
Il dira que sans ses rayons la nuit pendants
Séléné ne saurait briller et advenir

La Lune elle esseulée entendra vos soupirs
Venant et repartant à chaque vingt-huitaine
Les cratères pédants elle sera hautaine
Vous voyant bâtir dans les rayons un empire

Et si l'autre scintille à une autre que l'une
Jalouse à n'essarter que les miettes de Sol
Luna te voyant à son bras ne se console
Que tu l'aies épousé pour un crouton de lune

(Crédits photos : Herbert List, Agence Magnum Photos, 1949)

lundi 10 mars 2014

Départ départs

Ris-tu d'un rictus si tu pars
Ne me dis pas t'en amuser
A l'heure où les adieux m'emparent
M'irais-je fou les refuser

J'avais pensif un air distique
Jusqu'à l'avoir dit l'au-revoir
Qu'on voit tragique et fantastique
Porteur de blé flamand d'ivoire

Hâlant dans la nuit le chaland
Tirant docker sur ton sommeil
Le rêve avais-tu nonchalant
Quand les palais s'en émerveillent

Tout se complique dans l'exode
Les bus les trains billets et pièces
Le sablier tint l'épisode
On le retourne à la vieillesse

Alors la vie reprend joyeuse
Ni plus ni moins que de laideur
Et ni plus ni moins ennuyeuse
Rome en gagne des airs frondeurs

Départ départs retourne-t-en
Jours sans pluie plein de soleil
Le train part portes sans battants
Jours sans pluie plein de merveilles

(Crédits photos : Henri Cartier-Bresson, Agence Magnum Photos, 1959)

dimanche 9 mars 2014

Rhume

Le printemps renâclait à montrer ses naseaux
L'hiver comme une grippe agrippait mon museau
Et s'il ne pleut plus là mon nez reste en gouttière
Ca s'écoule ainsi qu'aux vieux châteaux monte un lierre

Le printemps lui s'enfuit même avant de venir
Qui sait ce qui paraît même avant d'advenir
Verrons-nous en Ombrie s'égrainer les moissons
Ou bien en andalou rirons-nous des moussons

Je ris à étriller les bulletins du temps
La semaine future aurons-nous un instant
Les câlins de la pluie ou bien ceux du soleil
Ou le gris vagabond ou le rosé vermeil

vendredi 7 mars 2014

La Terrasse heureuse

Et le soleil se craint de nous râper le derme
Le vent lui ne se gêne à éructer tranquille
Il toussote en mistral et nous émeut les cils
Sur la terrasse nous avions l'amour en germe

Couvée d’opisthographe éconduit à plus tard
- Nous vivions l'âme en fleur au beau fixe nos cœurs
Hélios seul témoin Zéphyr seule liqueur
Les pages détournées les klaxons seuls pétards -

La table recueillait et nos voix et nos pages
Et nous mangions heureux douze gâteaux d'amande
Lançant là nos regards aux varappes romandes

Assoupis de soleil nous étions trois rois mages
Contemplant dans le jour chaque constellation
Rêveurs nous voguions parmi les foliations

Ah !

Tu penchais ton sourire aux vœux de madrigal
Et tu laissais ton rire ici comme un régal
Un vrai festin antique était offert aux hommes
Par ton zygomatique ô Babylone et Rome
Contre tes biguines tu nous veux ébaubis
Et moi je devine que masquent tes habits
J'en avais relevé un petit coin de soie
Ton heur là énervé cachait ce qui déçoit
Sous ta poitrine nue femme je découvrais
Qu'au lieu d'un cœur des nues me laissant m'effondrer
Voilà pourquoi perfide éprouves-tu qui souffre
Tu n'avais plus qu'un vide ainsi qu'un vaste gouffre

mercredi 5 mars 2014

Pas plus qu'un jardin de roses


"Une ville ne vaut pas plus qu'un jardin de roses."
José Santos Chocano, La Ville de fer

Assez de ce pas lourd âme cahin-cahan
Reprends la vie légère à être haute et lourde
Assez d'assourdissant âme à l'oreille sourde
Reprends l'hymne dansé du pas des grands ahans

L'orée a son mystère et la ville en a trop
De cacher sa misère et d'en faire marché
D'avoir au même lieu la traînée et l'archer
La voiture au galop et les rêves au trot

Dans les rues serpentes les toits hallebardiers
On voit mouvante et nue l'âme de cette ville
Entonnant en vers libre une chanson servile

Vierge innocente autant qu'épouse répudiée
Me consoleras-tu d'avoir si peu compris
De ce que d'âme et corps tour à tour je m'épris

mardi 4 mars 2014

Rixe



Parmi les rigodons les âmes fantastiques
J’ai vu dans ces ombres la rage malhabile
Pour la bière tombée il en chauffait sa bile
Il avait les coups secs et la colère antique

Dans toute l’ivresse des attaques en pluie
Il valsait agité avec l’air dans ses bras
Mettant nu le torse de l’ivre scélérat
La foule s’écarta se cercla sans un bruit

Et puis la rumeur les cris encouragés
Poussaient ces deux Bacchus aux pires coups de poings
L’homme est fils de l’orgueil un Narcisse enragé

L’un coucha l’autre au sol plutôt qu’en quelque foin
Qui est sorti vainqueur de cette échauffourée
Ni l’autre ni l’un mais la bêtise amarrée

(crédits photos: David Seymour, Rome, 1951, Agence Magnum Photos)

Blandine



Mais je n’ai rien de plus qu’un maigre fond de bière
Que l’on boira santé ! pour apaiser d’houblon
Les veines agitées dans le petit salon
Alors on dansera comme l’on chantait fiers

Dans les rêves conscrits à ces moissons d’été
Couchés dans la prudence aux ombres rassurantes
Débiteurs satisfaits des amours finissantes
Nous aurions pleuré les départs tous hébétés

Je ne me doutais pas dans ce soir endormi
De trouver sûrement tant de joie au tamis
Quand je cherchais la larme à verser aux départs

Et pour tout achever de tragique en mes jours
Je te vis rieuse Geneviève aux remparts
Je me dis quelle joie que Blandine en séjour